Patrick Di Fruscia, photographe de nature et de paysages des beaux-arts, a vu le monde grâce à son art. Il laisse maintenant son cœur parler pour redonner à la nature
Patrick Di Fruscia a photographié des chutes d’eau en Bosnie, le désert du Wadi Rum en Jordanie et la plaine du Serengeti dans le nord de la Tanzanie.
Il a grandi en campagne, au Québec, mais le parcours qui lui a permis de passer d’un enfant entouré de la nature à un adulte qui s’entoure aussi de la nature n’a pas été dénué d’embûches.
M. Di Fruscia a travaillé en tant que directeur du marketing pour une entreprise de suppléments pour sportifs. Lassé de payer des professionnels pour prendre des photos des produits de l’entreprise et des athlètes qui les appuient, son patron lui a remis sa carte de crédit, l’a envoyé acheter un appareil photo et lui a demandé d’apprendre à l’utiliser.
Un voyage personnel en voiture dans sa province de résidence, qui s’est terminé au sommet du mont Ernest-Laforce, en Gaspésie, a changé sa façon de voir les choses. Il souhaitait dorénavant prendre des photos de la nature.
Nous étions au début des années 2000, les vidéos didactiques sur YouTube n’existaient pas encore. Il photographiait des diapositives en portant attention à des caractéristiques comme la valeur F et la vitesse d’obturation pour chaque photo. « Chez moi, j’examinais mes images avec une loupe, indique-t-il. Il m’arrivait alors de me dire : « Cette photo, je l’aime bien. Qu’est-ce que j’ai fait de particulier? » Je tentais ensuite de recréer l’effet. C’est ainsi que j’ai appris. »
Il s’est progressivement bâti une réputation en tant que photographe de paysages, puisqu’il a continué de travailler à titre de directeur du marketing pendant 10 ans. « Un jour, je me suis rendu compte que, si je faisais bien mon travail, je pourrais peut-être en vivre, mentionne-t-il. Quitter mon emploi m’a donné le coup de pied dont j’avais besoin. Je n’avais donc plus le choix. Je devais produire. Être créatif. J’ai dû établir des partenariats pour pouvoir vivre de mon art. »
Découvrir un autre monde
M. Di Fruscia est photographe à temps plein depuis 2014. Il espère que ses photos aideront les spectateurs à se libérer du stress de la vie quotidienne. « Je veux que mes photos évoquent un sentiment de paix intérieure, qu’elles fassent rêver les gens et les aspirent dans la scène pour leur donner l’impression d’y être, indique-t-il. Aujourd’hui, le monde connaît beaucoup de bouleversements. Avec mes photos, je cherche, l’espace de quelques secondes, à transporter les gens dans un autre monde ou à les faire rêver à des endroits où ils pourraient éventuellement voyager. »
Il ne souhaite pas simplement cocher une liste d’endroits à visiter, mais plutôt dévoiler l’invisible : « J’ai voyagé dans [certains pays] cinq, six fois; je suis encore très loin d’avoir tout vu! » Il fait rarement des recherches sur les lieux avant de partir en voyage, car il préfère découvrir les endroits parfaits à photographier une fois sur place. Selon lui, si l’on a déjà une image mentale, on est tenté de la reproduire. « Il y a tant de choses à découvrir, souligne-t-il. Je me demande toujours ce que je peux créer en adoptant un point de vue différent. »
Se sentir chanceux
La photographie a permis à M. Di Fruscia d’explorer des endroits qu’il n’avait jamais imaginés. « J’ai visité la plaine du Serengeti environ sept fois et fait sept safaris. Chaque fois, le paysage m’émerveille. On pense avoir tout vu, mais le lendemain, on découvre autre chose. » À Pétra, un lieu du patrimoine mondial de l’UNESCO, il a obtenu un accès privé à l’intérieur de l’un des monastères. « Je crois rêver et je me dis, mais qu’est-ce que je fais pour mériter cet honneur? Ce n’est pas comme si je sauvais des vies! »
Avant la pandémie, M. Di Fruscia dirigeait des expéditions de photographie dans différents pays. Il aime voir des endroits où il est allé plusieurs fois à travers le regard de ceux qui les découvrent pour la première fois. « C’est merveilleux d’apercevoir l’étincelle dans leurs yeux lorsqu’ils voient un lion sortir des bois. »
Il est reconnaissant que son changement de carrière lui ait permis de vivre de telles expériences.
« Je me souviens de cette fois en Islande où j’ai déposé mon appareil en me disant qu’aucune photo ne rendrait justice au paysage, qu’il valait mieux simplement profiter du spectacle. Il se passe beaucoup de choses ailleurs. Les voyages nous aident à grandir en tant que personne et nous permettent de rencontrer des gens ayant des histoires intéressantes à partager. »
Redonner à la nature
Au cours de la dernière année, M. Di Fruscia a dû rester à la maison à cause des restrictions de voyage. Il consacre son temps au programme Redonner à la nature, qu’il a créé en 2018 dans le but de lutter contre les changements climatiques, la déforestation et la crise mondiale des déchets de plastique.
« La nature m’a donné tout ce que j’ai, mentionne-t-il. Sans elle, j’aurais probablement un travail différent. On découvre la nature quand on voyage dans divers endroits. En visitant ces lieux et en constatant tout le plastique [qui pollue] ou la déforestation, ça éveille notre conscience et ça donne envie d’agir concrètement. » Le programme Redonner à la nature lui permet de sensibiliser les gens à ces enjeux environnementaux. De plus, le programme fournit aux autres les outils nécessaires pour se joindre à la mission de M. Di Fruscia.
Il a eu l’idée de créer ce programme après qu’on l’ait invité à devenir un ambassadeur de Tentree, une entreprise qui plante 10 arbres pour chaque produit vendu. Puisqu’il souhaitait contribuer davantage qu’en portant des vêtements commandités et en publiant des photos d’un logo, M. Di Fruscia a plutôt utilisé ses photos pour la cause. Pour chaque impression vendue à la Carnevale Gallery du Caesars Palace, à Las Vegas, il plantait des arbres. Il s’est rendu en Indonésie pour documenter le travail effectué. Alors qu’il partageait sa contribution sur les médias sociaux, d’autres artistes ont exprimé leur intérêt à se joindre à la cause.
M. Di Fruscia a lancé le programme Redonner à la nature dans le but de planter un million d’arbres. Presque à mi-chemin de son objectif initial, il l’a augmenté à 10 millions d’arbres. Son projet s’attaque également à la pollution par le plastique. Jusqu’à présent, le groupe a localisé, récupéré et éliminé en toute sécurité l’équivalent de près de 19 000 bouteilles d’eau en plastique dans des sites d’enfouissement et des plans d’eau.
Il a créé une équipe mondiale d’artistes et de photographes qui, comme lui, redonnent à la nature chaque fois qu’ils vendent une photo ou organisent un atelier. Certains font des dons pour la plantation d’arbres, tandis que d’autres contribuent au nettoyage des bouteilles en plastique. N’importe qui peut faire un don à l’une ou l’autre des causes en tout temps.
M. Di Fruscia discute actuellement avec une entreprise de la façon de venir en aide aux abeilles, l’un des plus importants pollinisateurs de la nature. Il veut éventuellement ajouter une quatrième cause à son actif, soit la protection des espèces en voie de disparition. « Je souhaite vraiment que le programme Redonner à la nature devienne une plaque tournante où chacun pourra contribuer concrètement en faveur de sa cause préférée. »
M. Di Fruscia s’est d’abord demandé s’il pouvait changer les choses. Il savait qu’il n’était pas un expert en environnement, mais il voulait toutefois en apprendre plus et s’engager davantage. Il avait la capacité de créer une plateforme permettant à tout le monde de facilement apporter sa contribution. Il avait aussi le talent nécessaire pour raconter une histoire.
« J’ai pris un nouveau tournant, souligne-t-il. Je veux aller là où ces choses se produisent, là où existe une crise de la pollution par le plastique et de la déforestation, puis utiliser mes compétences pour prendre des photos et des vidéos afin de sensibiliser la population sur ce qui se passe. Auparavant, je ne photographiais que des endroits que je trouvais magnifiques et des beaux paysages. Dorénavant, je veux insuffler du sens dans mon travail, pas seulement prendre de belles photos.